« KEAN », au Théâtre 14. Sylvie Camet 26 janvier 2019 Critique, Non classé, Théâtre En 1836, Alexandre Dumas créait Kean, en 1953, Jean-Paul Sartre en proposait sa propre version, le cinéma, dans la première moitié du XXe siècle, s’emparait à plusieurs reprises du personnage et le voilà, mis en scène en 2019, ne semblant pas avoir dépouillé son attrait. Pourtant, les occasions d’aller écouter la pièce au théâtre ne sont pas si fréquentes, montrant que derrière l’intemporalité des questions une résistance demeure, qui tient peut-être au caractère attendu des analyses relatives à l’impossible (ou nécessaire) dissociation entre l’homme et le comédien. Diderot avait engagé la discussion dans son Paradoxe, mais il avait examiné l’homme sérieux, investi dans son travail, tandis que Kean semble pouvoir briller sur scène sans y mettre auparavant tout son temps, toute son énergie, plus désireux de parader, plaire, jouir, dans une vie qu’il consume résolument. C’est pourquoi plus souvent, objet du désir de la comtesse Éléna ou d’Anna Damby, il semble moins préoccupé de Shakespeare que de son succès auprès des admiratrices, la pièce voisinant alors Dom Juan et l’insatiable besoin de volupté ; il s’étourdit dans l’alcool, les dépenses à tout rompre, dévoreur et dévoré, imprimant aux actes qui s’enchaînent leur rythme haletant. La grande surprise de cette représentation au Théâtre 14, salle périphérique dans laquelle on s’attend surtout à des spectacles montés avec de faibles moyens, tient à ce que la pièce est non seulement à même de réunir huit comédiennes et comédiens, mais joue sur des décors sophistiqués qui bougent et se transforment au gré des scènes, des costumes variés qui font que l’idée de théâtre n’est pas seulement philosophie mais capture des formes, des couleurs, intensité et brio des enchaînements. Les occasions de rire sont de surcroît nombreuses, on est précipité dans cette action, cette virevolte, pressentant évidemment qu’il y aura une fin, fin non seulement du drame, mais de la cour aux femmes et aux hommes, fin de la parade, du succès et de l’incarnation glorieuse des grands rôles, mais l’on n’a pas peur de cette conclusion, puisqu’elle même nous plonge en core plus profondément dans cet univers de la comédie, ou tout a droit d’être un et son contraire. KEAN de Alexandre Dumas Adaptation Jean-Paul Sartre Mise en scène Alain SACHS assisté de Corinne Jahier Costumes Pascale Bordet assistée de Solenne Laffitte – Décors Sophie Jacob Lumières Muriel Sachs – Musique Frédéric Boulard Avec : Alexis Desseaux, Sophie Bouilloux, Justine Thibaudat, Eve Herszfeld, Frédéric Gorny, Stéphane Titeca, Pierre Benoist, Jacques Fontanel. – Du 9 janvier au 23 février 2019 Représentation supplémentaire le lundi 11 février à 19h00 Laisser un commentaire Annuler la réponse Votre adresse e-mail ne sera pas publié. Nom* Email* Site Web Commentaire